Promenade dans le Frau :

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La légende :
Tirée du livre de l’abbé Lacavalerie, Dégagnazès-en-Quercy, paru en 1934 :
« Le diable donc, il y a bien longtemps, se promenait un soir dans le Frau, et, rencontrant le monastère, paria, comme parier il aimait, aux maitres de céans, d’entourer, durant l’espace d’une nuit, tout le Dégagnazès d’un large et profond fossé et de terminer le cercle avant le premier chant du coq ; la possession du lieu et des habitants devait être, s’il l’achevait, la récompense de son œuvre.

Là-dessus, moines de jurer ; bref, diable de répliquer, moines de se piquer, diable de se moquer : le pacte est conclu. Mais hélas ! qui fut d’abord bien attrapé et fort perplexe… de voir s’avancer sur le Frau des légions d’êtres noirs, avec des pioches, avec des chariots, avec des ricanements et avec des jurons… piochant et hurlant ? La terre vole, les arbres s’arrachent, les diables redoublent d’efforts ; le fossé se dessine, déjà il s’allonge, s’alonge encore…Bientôt les deux bouts s’aperçoivent, en un rien ils vont se toucher. Encore cinq cents pas, encore trois cents, encore cent cinquante… encore vingt pas !

Et vous pensez si nos moines ont de la peine et comme ils ne rient plus ; ils s’effrayent et s’affolent jusqu’à oublier de prier !... Autant les moines pleurent, autant les diables rient et regardent triomphalement la nuit qui doit durer encore… la nuit dure encore et le fossé va se finir, quand tout à coup (serait-il possible ?) un petit et mince cri, dans le silence de la nuit, se fait entendre : Ki-ki-ri-ki ! murmure une faible voix qui se prolonge. Mais est-ce le chant du coq, ce petit et mince cri, modeste comme le tutu d’un siffet, qui recommence et s’obstine ?

« Non, rugit le diable un instant interdit, ce n’est pas le chant du coq »… Mais voici qu’en réponse à cet appel, le poulailler du couvent enfin s’est réveillé : surprise et étirant ses ailes, la tribu gallinacée qui n’y voit rien et ne comprend pas davantage – cependant que les coups de pioche font crouler les derniers pans du fossé – d’un superbe gosier sonore entonne un retentissant et triomphal cocorico !

Cette fois, c’était bien le chant du coq, qu’à cette heure de détresse, tandis que chacun perdait la tête, le petit pâtre du couvent avait eu l’ingénieuse idée de provoquer, avec son petit sifflet de frène… il était temps.

Le diable était battu : avec un bruit d’enfer, il dut rentrer ses pioches et ses cornes. Le fossé resta inachevé, comme il l’est encore, et le nom de fossé du diable lui est resté : lou vallat del diablé.

La véritable histoire du fossé de franchise :
En 1235, Aymeric De Gourdon seigneur du lieu, donna un fond de terre vaste mais reculé appelé Dégagnazès, pour fonder une abbaye.

Sur tout le territoire donné, soit plus de 100 hectares, s’appliquait la franchise, c’est-à-dire qu’aucune taxe n’était prélevée par le seigneur.

S’agissant d’un territoire donné à l’Eglise, il y régnait aussi la paix de Dieu, aucune personne en arme n’était admise à y pénétrer.

Pour rendre bien visible la limite du territoire de franchise, les bénéficiaires, ici, creusèrent un fossé sur tout le périmètre concerné. Ce fossé était suffisamment large et profond pour qu’il soit repéré sans conteste par tout voyageur du lieu. Aujourd’hui certains secteurs sont comblés, mais de longues portions de plusieurs kilomètres subsistent. Ce fossé atteint par endroits plus de 5 m de largeur sur 3 m de profondeur.

Le creusement de ce fossé a nécessité le déplacement d’une quantité considérable de terre. Celle-ci a été déposée à l’intérieur de l’enceinte. On a peine à imaginer le nombre de personnes et le temps qu’il leur a fallu, avec les outils rudimentaires de l’époque, pour réaliser cet ouvrage.

Une foire annuelle, jadis fixée au 9 septembre, se tenait au Dégagnazès, pour commercer avec le monastère, mais aussi profitant de la franchise, elle attirait vendeurs et acheteurs d’un très large secteur.

Là encore la réalité est plus belle que la légende.

Du monastère, il ne subsiste que l’église devenue paroissiale. Le presbytère et ce qui restait des bâtiments et des terrains du monastère ont été vendus à des personnes privées.

L’ENS s’étend sur tout le territoire entouré par le fossé de franchise.

Un sentier spécifique existe sur le territoire du Dégagnazès, avec son guide de la découverte.

Récemment, une réplique de la grotte de Lourdes a été réalisée par le prêtre et la population au « pesquié », à côté du lavoir du Dégagnazès.